Deloitte: Comment vous assurer que vos contrats sont parés pour faire face aux conditions économiques incertaines actuelles ?

Comment bétonner vos contrats pour faire face aux conditions économiques incertaines actuelles ?

Osez-vous encore signer des contrats avec des clients, des partenaires et des fournisseurs dans les circonstances actuelles ? Ou craignez-vous que même des clauses intelligentes ne puissent rien contre la hausse des prix, le manque de personnel et les problèmes de livraison ?

Le législateur a récemment remanié en profondeur les bases du droit des contrats. Par conséquent, à partir de cette année, vous devrez redoubler de prudence lorsque vous rédigez et signez des contrats. Mais d'un autre côté, cela ouvre aussi de nouvelles possibilités.

Cet article examine les notions de "hardship", "résiliation anticipée" et "règle du K.O. ". Et comment adapter ces clauses pour en tirer le meilleur parti.

Résiliation anticipative

Supposons que vous ayez conclu un contrat avec un client ou un fournisseur, mais que vous vous rendez compte rapidement que l'autre partie ne respectera pas les engagements. Pouvez-vous dans ce cas anticiper en résiliant le contrat ? Ou bien risquez-vous d'être tenu pour responsable de la "rupture" du contrat ?

A partir du 1er janvier 2023, le nouveau droit des contrats prévoit une solution pour ces situations. En effet, vous pourrez résilier "par anticipation" les contrats que vous concluez à partir de cette date s'il devient évident que votre contrepartie ne respectera pas ses engagements. Toutefois, vous ne pouvez mettre fin au contrat que si certaines conditions sont remplies :

  • Vous devez envoyer une sommation à l’autre partie ;
  • Le non-respect des engagements doit avoir des conséquences suffisamment graves ;
  • Les circonstances doivent être exceptionnelles ;

Ces conditions étant plutôt générales et vagues, nous vous recommandons de préciser cette disposition législative dans vos contrats. Vous pouvez notamment y inclure une liste de circonstances exceptionnelles dans lesquelles la résiliation anticipée est autorisée. Cela vous évitera d’éventuelles discussions ultérieurement. Cela vous permet aussi de mieux vous protéger. En effet, vous pouvez limiter ou élargir ces circonstances exceptionnelles en fonction de vos besoins et de votre situation spécifique. Bien sûr, il est essentiel de toujours respecter l’équilibre contractuel. Dans le cas contraire, la loi prévoit que la clause perturbant cet équilibre est déclarée nulle et non avenue.

Force majeure ou hardship ?

En cas de difficultés ou de changements dans la situation, les parties invoquent souvent l’argument de "force majeure" pour se libérer d'un contrat.

Cependant, il est difficile d'invoquer la force majeure, car l'exécution des engagements doit être absolument impossible selon la loi. Au vu de la situation économique actuelle, on constate que prendre des engagements est devenu plus coûteux, plus lourd et plus difficile. Mais rarement on se trouve face à une impossibilité absolue.

C'est pourquoi le pouvoir judiciaire et maintenant le législateur ont développé le concept de "hardship". Dans les situations de hardship, l’exécution du contrat n’est pas impossible. Cependant, on considère que l'équilibre contractuel a été à tel point perturbé par des circonstances extérieures que le contrat n’est plus (économiquement) viable.

Lorsque la clause de hardship est invoquée, la nouvelle loi vous permet de renégocier le contrat. Les parties ont même l'obligation de participer de bonne foi à ces renégociations. Tant qu’un accord n’a pas été atteint, la loi stipule que les parties doivent continuer à respecter leurs engagements. Dans certaines circonstances, il est toutefois plus avantageux de déroger à cette obligation dans vos contrats. En effet, vous pouvez inclure une motivation pour que votre contrepartie prenne les négociations au sérieux. Par exemple, en stipulant une suspension de la mise en œuvre des engagements pendant toute la durée des renégociations. Dans cette optique, il est donc aussi préférable de fixer un délai maximum pour ces nouvelles négociations.

Bien que cette nouvelle disposition de hardship (dont les termes peuvent être précisés dans vos contrats) ait un aspect rassurant en cas de difficultés, elle peut aussi générer trop d’incertitude dans d'autres circonstances. Peut-être ne souhaitez-vous pas du tout renégocier les contrats, car le risque économique doit clairement incomber à la contrepartie. Dans ce cas, il est possible d'exclure contractuellement l'effet de la clause de hardship ou d'exclure l'obligation de négocier.

Pour pouvoir parler de hardship, le fait que le changement de circonstances (économiques) n'était pas prévisible au moment où vous avez conclu le contrat reste un critère essentiel. De plus, il doit s’agir de conditions que vous n’auriez pas pu éviter ou résoudre vous-même. Ce qui implique que les crises, fluctuations de prix et autres perturbations telles que nous avons connu ces deux dernières années ne seront le plus souvent plus considérées comme entrant dans la notion de hardship. Si vous voulez que vos contrats puissent continuer à évoluer avec les prix et la réalité du marché, vous devrez inclure d'autres clauses.

Une option de modification unilatérale n’est pas la solution

Se prémunir contre les fluctuations des prix peut devenir une démarche de base. Il est possible, par exemple, d’inclure dans vos contrats une clause qui vous permet d'ajuster vos prix. Mais ce n’est pas aussi facile qu'il n’y paraît. Les clauses conférant une option de modification unilatérale à l'une des parties sont en effet interdites en vertu de la loi de fin 2020 relative à la protection des entreprises.

Toutefois, une clause sur les indexations de prix, si elle est correctement formulée, sera jugée légitime. En effet, une telle clause met en place un mécanisme garantissant que le prix des biens et/ou des services est ajusté en fonction d'un certain nombre de paramètres objectifs.

Cette question est bien entendu strictement réglementée pour éviter les abus. Ainsi, la hausse du prix ne peut pas dépasser 80% du prix final initial. Les paramètres choisis doivent être objectifs, indépendants de la volonté des parties et se référer à des coûts réels. Ces paramètres ne doivent pas constituer des indices généraux comme, par exemple, l'indice des prix à la consommation. Chaque paramètre ne peut s’appliquer qu’à la partie du prix qui correspond au coût qu'il représente.

En outre, la loi B2B exige une transparence absolue au niveau de cette clause. La contrepartie devra notamment être informée préalablement de l'existence de la clause d'indexation des prix.

Règle du K.O.

C’est sans doute une situation qui vous est familière : une des deux parties envoie une offre avec ses conditions générales de vente, à laquelle l'autre partie répond par un bon de commande avec ses conditions générales d'achat, etc. Et au final, on ne sait pas très bien quelles conditions s'appliquent réellement. Auparavant, il était permis de prévoir expressément dans ses conditions générales l’exclusion des conditions générales de l'autre partie. Le nouveau droit des contrats vient mettre un terme à cette pratique.

En effet, à dater du 1er janvier 2023, toutes les conditions générales faisant partie du contrat viendront se juxtaposer et seront considérées comme valables. À l’exception évidemment des dispositions incompatibles, qui s’annulent mutuellement. Si vous souhaitez exclure les conditions générales de l'autre partie, cela devra être stipulé dans un accord spécifique.

Conclusion

Il est possible de limiter l'impact de la situation globale et de l’incertitude économique dans vos contrats.

La nouvelle législation génère de nouvelles opportunités. D’un autre côté, elle exige plus de précision et de spécificité que jamais dans la rédaction de vos contrats.